Les dernières bergères Wakhi
par Camille DelbosNichée dans les montagnes du Karakorum au Nord du Pakistan, la minorité Wakhi qui réside là est fière de cette tradition unique où les femmes sont à l’honneur.
Chaque année, au printemps, le village vit au rythme de kuch, autrement dit la transhumance d’une partie des villageois vers les prairies d’altitude. Au pied des montagnes de 6000 mètres se dresse un plateau, le pamir, le pré de haute altitude de Shimshal où se situe les lacs sur la ligne de séparation des eaux d’Asie Centrale .
Haut : La prairie Abdullah Khan, le pamir du plateau de Shimshal dans les montagnes du Karakorum.
Haut : Deux villageois marchant vers le haut croisent un berger et ses ânes qui reviennent d’approvisionner le hameau d’alpage de produit de base (farine, lentilles, ..)
Au printemps, une poignée de femmes guident plusieurs milliers de yaks, de moutons et de chèvres et créent un hameau éphémère à plus de 4600 mètres d’altitude.
5 mois loin du confort le plus sommaire, isolés à 3 jours de marche du plus proche village.
“La communauté de Shimshal est remarquable pour son isolement et son indépendance du soutien du monde extérieur. Depuis n’importe quelle direction, leur pays est difficile à accéder.”
Haut : Le chemin de transhumance serpente sur des chemins surpendus et à flanc de de canyon
Haut : Dans les conditions météorologiques difficiles, soumises aux caprices du soleil, du vent et de la neige, les bergères s’occupent de plus d’un millier de moutons, de chèvres et de yaks.
Haut : Inayat verse le lait de la traite pour le faire bouillir et réduire durant plus de 12 heures. Le foyer est alimenté de bouses de yak séchées car il n’y a pas de bois à cette altitude.
“Les enfants travaillaient longtemps après la tombée de la nuit, réglaient les disputes et prétaient attention aux complaintes du mouton.”
Gauche : Une bergère Wakhi dans sa hutte avec son enfant | Droite : Bergère s’apprêtant à aller à la traite. Le mode de vie pour ces femmes est synonyme de rudesse. Le seau et chaussures témoignent d’un monde moderne non lointain, mais peu accessible.
Haut : Une bergère trait son bétail.
Haut : Les jeunes de Shimshal sont venus uniquement pour Woolio, en fin de la célébration ils rentrent au hameau d’été en chevauchant les yaks
Haut : Chamurk, un plat local et du thé au lait salé à la pierre de sel est partagé pour Woolio
Les quelques villageois se rassemblent pour Woolio. Le temps menaçant n’empêche pas les hommes et les femmes de chanter et de danser.
Au cours de l’été 2016, seules dix-sept cabanes sur quarante étaient occupées. Cette désertion progressive est le résultat du désir de poursuivre une éducation, du vieillissement des bergères et du peu de remplacements.
Gauche : Villageois chantant et dansant durant Woolio | Droite : Désertion du hameau d’alpage
Les bergères, âgées de 20 à 65 ans, ignorent si la saison prochaine elles seront à nouveau là. Inayat Bakht, 21 ans, doute « Si je me marie d’ici là, je ne suis pas certaine de revenir. Beaucoup d’hommes vivent à l’extérieur de la vallée ».
Quant à Nar Begim, 65 ans, elle soupire l’air absente …
Haut : Pok Doman (à gauche) et Nar Begum sont parmi les plus anciennes bergères de la région.
Haut : Heure de traite. Une bergère cherche ses bêtes parmi les autres. Seule une minuscule ficelle de couleur percée dans l’oreille de l’animal permet de les différencier.
Gauche : Inayat sèche une pâte épaisse faite de lait bouilli sur le toit de sa hutte | Droite : Qurut frais et Qurut séché au soleil
Haut : Avant de redescendre, les jeunes hommes montés pour Woolio jouent au cricket sur un terrain improvisé à 4500 mètres au-dessus du niveau de la mer.
Haut : Les bergères et quelques hommes assis en dehors de la Jamaat Khana, lieu de rassemblement et de prière.
Face à ces mutations, la fin de ce pastoralisme féminin singulier semble inéluctable. Conscientes de vivre les dernières belles années de cette tradition, les bergères du Pamir résistent, dépositaires d’un métier et de savoirs faire ancestraux.
En raison de la haute altitude, la vallée enclavée, les hivers rigoureux, le changement climatique ne sont pas sans effet sur la population. Les avalanches et dommages sur la seule piste d’accès sont réguliers.
ABOVE: Vue depuis un col à 5300m dans les montagnes de Karakoram.
Les Wakhi sont une ethnie de ± 25 000 personnes présentes autour du corridor Wakhan dans le nord-est de l’Afghanistan, dans le district de Chitral et Gojal dans le nord du Pakistan, dans la vallée du Wakhan dans le sud-est du Tadjikistan et du Xinjiang dans le nord-ouest de la Chine.
L’infatigable voyageur, Eric Shipton, a visité toutes les montagnes du monde et est devenu un spécialiste de l’Himalaya et de l’Asie centrale. Nous avons emprunté quelques extraits de ses mémoires d’expédition de 1937 dans les montagnes de Karakorum, « Blank on the Map » pour compléter ce que nous avons vécu. À l’époque, la région n’avait pas été topographiée, c’était, littéralement … un vide sur la carte.
Ecrit par Esra Tat • Photos par Camille Delbos
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